Picasso sous la botte : mythes, réalités, hypothèses

Dès qu’il eut la certitude que sa sécurité et ses avoirs n’étaient pas menacés par les forces d’Occupation et l’administration de Vichy, Picasso adapta sa vie au nouveau contexte, sans jamais chercher à le fuir. Pas plus que ses écrits, la production peinte et sculptée ne fléchit, ni ne traduit frontalement le drame collectif. Les privations le touchent moins que d’autres, il parvient même à se procurer le métal nécessaire à ses fontes les plus étonnantes. Loin d’être interdite de cité, sa peinture se montre, se vend, se reproduit. Et l’hostilité qu’il suscite chez les uns est largement compensée par le soutien qu’il trouve partout, jusque dans les journaux dont l’idéologie est contraire à la sienne. Du reste, sa sociabilité est plus accommodante qu’on aime à le dire. En somme, le cas Picasso oblige l’historien à assouplir les catégories, les clivages et surtout les croyances à partir desquels on évalue habituellement les années sombres.