Blancs comme neige

  • Nature

Publié le 22 décembre 2025

En Isère, trois maîtres du camouflage possèdent la capacité extraordinaire de changer de couleur au fil des saisons. Le lièvre variable, le lagopède alpin et l’hermine affrontent l’hiver, blancs comme neige.

Par : Sandrine Anselmetti

Photographie
Le lagopède alpin, surnommé « perdrix des neiges », passe inaperçu en toute saison, grâce à son don du mimétisme.

ls sont passés maîtres dans l’art de la dissimulation. Le lièvre variable, le lagopède alpin et l’hermine ont en commun un don particulier doublé d’une stratégie de survie : celui de changer de couleur pour se confondre avec leur environnement… et ainsi passer inaperçu aux yeux de leurs prédateurs ! 

Pas vus, pas pris

Le lièvre variable, cousin montagnard du lièvre d’Europe et rescapé des glaciations du quaternaire, porte un nom évocateur : son pelage varie dans l’année, passant du brun gris, comme les cailloux en été, au blanc, comme le manteau neigeux en hiver. Seul le bout de ses oreilles reste noir.

Autre espèce emblématique des montagnes iséroises, le lagopède alpin, surnommé « perdrix des neiges », reste difficile à repérer en toute saison grâce à son don du mimétisme. Il revêt trois plumages à l’année. En été, il vire au brun gris et obtient le camouflage idéal dans les roches et les broussailles. À l’automne, sa mue est partielle et forme un mélange entre ses livrées d’été et d’hiver. À la saison froide, son plumage est entièrement blanc (sauf l’extrémité de sa queue). Cet habit d’hiver ne réfléchit pas les rayons ultraviolets que les rapaces parviennent à voir. Le lagopède devient alors « invisible ». Et pour se protéger encore davantage, y compris des intempéries, il peut creuser des trous de neige pour s’abriter, comme dans un igloo. Les plumes qui entourent ses pattes se développent, telles d’épaisses chaussettes anti-froid, et l’aident à se déplacer, à la manière des raquettes à neige.

La jolie hermine devient aussi presque entièrement blanche, seul le bout de sa queue noir trahit sa présence dans la neige. Alors que d’autres espèces hibernent en hiver, l’hermine doit continuer de se nourrir en redoublant d’efforts. Avec le froid, ses besoins énergétiques sont très importants : elle doit manger l’équivalent de la moitié de son poids par jour. Elle passe donc le plus clair de son temps à chasser. Quand la neige est abondante, l’hermine peut se cacher de ses prédateurs comme de ses proies. Devenir blanc en hiver est un excellent choix pour se dissimuler… 
à condition qu’il y ait de la neige !

Victimes du réchauffement

Derrière le mécanisme de cette transformation, une sensibilité au photopériodisme, c’est-à-dire à la durée du jour, qui diminue à l’approche de l’hiver. Le hic : le réchauffement climatique entraîne une diminution de l’enneigement. La mue étant contrôlée par la durée de la luminosité, les animaux risquent de se retrouver de plus en plus en décalage visuel avec leur habitat. Blancs sur la roche sombre, visibles comme des ampoules dans la pénombre, ils deviennent alors des proies faciles ! À défaut de stopper le dérèglement du climat, reste à espérer que les capacités génétiques de ces trois espèces leur permettront de s’adapter et de survivre à l’inévitable réchauffement actuel et à venir.

En hiver, soyons discrets !

Chut… C’est l’hiver, une période difficile pendant laquelle la faune de montagne dépense toute son énergie à survivre. Alors que les animaux ont davantage de besoins énergétiques pour se déplacer et pour maintenir leur température constante, les apports en nourriture sont les plus faibles.

Souvent par envie de mieux voir cette magnifique faune sauvage, et par méconnaissance des conséquences, les randonneurs et skieurs s’approchent des animaux au plus près, jusqu’à provoquer leur fuite. Si ce dérangement apparaît unique et sans impact à celui qui l’a provoqué, l’animal le subit souvent de façon répétée et, à chaque fois, il perd inutilement un peu de l’énergie dont il avait besoin pour résister à l’hiver. Les multiples dérangements, liés à une fréquentation accrue de la montagne, peuvent leur être fatal.

Par: Sandrine Anselmetti