Fabricant de cannes et de bâtons de randonnée, Cédric Boursier perpétue le savoir-faire familial dans son atelier de Saint-Laurent-du-Pont. Des produits naturels et robustes, dont la réalisation ne laisse rien au hasard.
“Certains clients viennent me voir pour entretenir un bâton qui leur a été vendu par mon grand-père !” À Saint-Laurent-du-Pont, Cédric Boursier ne s’étonne pas de la longévité des produits de l’entreprise familiale qu’il a reprise en 2011, après y avoir commencé à l’âge de 16 ans.
Fabriquant des cannes « alpines » depuis 1898, la société de ses aïeux s’est petit à petit tournée vers le bâton de randonnée qui représente aujourd’hui 90 % de ses ventes, avec près de 6 000 unités produites cette année. “On les trouve au sommet du puy de Dôme, mais aussi au pic de Bigorre, à l’aiguille du Midi et bien sûr sur les sentiers de Chartreuse”, s’enorgueillit Cédric, qui a longtemps arpenté les routes de France à la rencontre de ses revendeurs dans les stations de montagne.
Son meilleur ami, le châtaignier
“Un bon bâton, explique-t-il, c’est un bâton léger, durable, en châtaignier, un arbre aux nombreuses vertus et non putrescible.” Poussant près de Saint-Marcellin, les châtaigniers sont coupés tous les trois ans, quand leur diamètre atteint 3 centimètres. Ayant du mal à recruter – “ce type de coupe n’intéresse pas les bûcherons” –, c’est Cédric lui-même qui met la main au sécateur, entre octobre et mars, hors période de sève pour que le bois soit ensuite facile à travailler et plus solide.
À la fin de l’hiver, les fagots de châtaignier sont chauffés dans des cuves d’eau bouillante avant d’être « épluchés » et séchés une année en extérieur. L’opération la plus délicate consiste à redresser le bois pour qu’il soit bien droit. “À chacune des quatre étapes, où on le chauffe et le refroidit pour l’assouplir, le bois bouge, il faut être patient, confie Cédric. Et c’est avec les années qu’on apprend à le connaître. Selon son poids et sa structure, on sait comment le travailler pour qu’il ne casse pas, mais on perd quand même 10 % des bâtons et des cannes lors de cette opération.” S’ensuit un énergique nettoyage pour enlever les tanins avant un ultime redressage.
La tradition, c’est aussi le feeling
Les cannes, elles, sont courbées sur la partie la plus forte de la pousse, près de la racine. Pour cela, elles sont plongées dans une eau à 70 °C pour être assouplies puis cintrées sur une machine adaptée. L’eau étant chauffée au bois, le bois peut là aussi bouger, “tout comme la température : on travaille beaucoup au feeling, sans minuterie” ! Après que Cédric a posé l’embout en métal ou en caoutchouc à l’extrémité de ses créations, place aux finitions.
Entre les bâtons flambés, qu’il a vernis pour les rendre plus résistants à la neige, et les nombreux produits personnalisés, “dont raffolent ses revendeurs en montagne (magasin de sport, de souvenirs et offices de tourisme)”, le cannier de Chartreuse a aussi fait de sa diversification un gage de longévité.
Un savoir-faire d’exception
Lauréat 2025 du trophée ALPES ISHERE, catégorie métiers d’art, Cédric Boursier est l’unique fabricant français de bâtons en bois redressé. “On a bien un concurrent, à Thiers, mais il travaille le bois tourné, nuance l’artisan. Quant aux fabricants des célèbres makilas, au Pays basque, nous ne sommes pas dans la même catégorie.”
L’atelier de Cédric a employé jusqu’à huit personnes, avant que les bâtons télescopiques n’envahissent le marché : “À l’époque, on trouvait de nombreux canniers au pied de la Chartreuse, qui appréciaient son climat propice au travail du bois.” Désormais seul, il a délégué la partie commerciale pour se concentrer sur la fabrication des bâtons et cannes, dont il détient tous les secrets.