Au rythme des alpages

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Publié le : 05 Sep. 2025

Chaque été, des milliers d’animaux gagnent les alpages isérois. Le pastoralisme façonne ainsi discrètement le paysage montagnard. Entre tradition, écologie et économie locale, cette pratique millénaire reste plus que jamais d’actualité.

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Chaque été, 10 000 bovins et 100 000 ovins et caprins rejoignent les alpages de l’Isère. © F.Pattou

Dans les montagnes de l’Isère, les clochettes résonnent à nouveau. Près de 100 000 moutons et chèvres, 10 000 bovins et 400 équidés évoluent parmi les 80 000 hectares d’alpages du département. Ces pâturages, qui couvrent 20 % des montagnes iséroises – et même 80 % en Oisans – sont des espaces à la fois agricoles, écologiques et culturels.

Le pastoralisme est avant tout une économie locale vivante : 700 éleveurs, souvent regroupés, coopèrent pour exploiter ensemble la ressource fourragère saisonnière qu’offre la montagne. “Elle est abondante et naturelle, mais éphémère et contrainte. Pour en tirer le meilleur, les éleveurs doivent s’organiser”, souligne Bruno Caraguel, directeur de la Fédération des alpages de l’Isère. Plus de la moitié des animaux viennent d’autres départements, notamment des Bouches-du-Rhône. Un jeu de solidarité agricole vieux de plusieurs siècles.

En altitude, les animaux évoluent en semi-liberté, dans des milieux proches de leur habitat naturel. Leur alimentation, variée et riche, donne une viande et un lait d’exception. L’agneau d’alpage, filière émergente, séduit par sa tendreté et sa saveur. Idem pour les fromages : le lait d’estive révèle un terroir. “Ce que les bêtes mangent là-haut se retrouve dans le goût”, résume Bruno Caraguel.

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Vaches en alpage dans les Écrins. © L.Bianco

Jardiniers du paysage

En broutant, les animaux maintiennent les milieux ouverts – prairies d’altitude, pelouses sèches – et façonnent une identité paysagère forte, prisée des habitants comme des touristes. “On oublie parfois que ce décor de carte postale, c’est le fruit du travail”, rappelle Bruno Caraguel. Les activités pastorales, reconnues comme patrimoine immatériel (voir encadré), portent aussi des valeurs culturelles. 

Gardiens de la biodiversité

“Sans les troupeaux, la forêt reprendrait vite ses droits. Les milieux ouverts abritent une flore et une faune d’une grande richesse. Dans l’espace naturel sensible du col du Coq, par exemple, le pastoralisme contribue à préserver l’habitat de nombreuses espèces fragiles : tétras-lyres, orchidées, papillons, criquets…”, explique Didier Joud, écologue au Département. 

Mais l’équilibre est délicat : surpâturage, piétinement, déjections peuvent altérer la flore. D’où la mise en place de plans de gestion pastorale concertés. “On construit des compromis, pour gérer les pressions tout en préservant des zones de refuge et en conservant les espèces”, poursuit-il.

Le pastoralisme doit aussi composer avec le climat, le loup, la fréquentation touristique, le manque de main-d’œuvre et les crises sanitaires. Grâce aux mesures agroenvironnementales et climatiques, qui soutiennent les pratiques vertueuses, et à l’engagement du Département, les équilibres se consolident.

Dans les alpages, les clochettes résonnent encore, écho d’une cohabitation ancestrale entre l’homme et le sauvage. Un pacte discret, mais fondamental, toujours en devenir, où le vivant se cultive… et se partage.

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Bergère et son troupeau de chèvres. © Legabatch

Quand le pastoralisme descend en ville

  • La Descente des alpages : samedi 11 octobre à Grenoble, la montagne s’invite en ville pour célébrer la fin de la saison d’estive :  troupeaux, bergers, animations, produits locaux… Un moment festif pour petits et grands.
  • Le festival Pastoralisme et Grands Espaces met à l’honneur l’univers pastoral du 13 au 19 octobre place Victor-Hugo et au cinéma Le Club, à Grenoble. Au programme : films, rencontres, expositions, ateliers… L’occasion d’explorer les liens entre territoires, savoir-faire, biodiversité et culture montagnarde.

Le saviez-vous ?

Une reconnaissance internationale

  • En 2023, l’Unesco a inscrit la transhumance au patrimoine culturel immatériel de l’humanité.
  • L’ONU a proclamé 2026 année internationale du pastoralisme et des pâturages. Une reconnaissance forte pour cette pratique millénaire, toujours présente dans de nombreux pays.

Une montagne à partager

Randonnée, VTT, trail… et pastoralisme ! En montagne, les activités se croisent et les usages se côtoient. Pour que chacun puisse en profiter, pensons à respecter celles et ceux qui y travaillent au quotidien.

  • Restez sur les sentiers : l’herbe est une ressource précieuse pour les troupeaux.
  • Refermez les clôtures après votre passage.
  • Tenez votre chien en laisse… ou sortez sans lui.
  • Emportez vos déchets, même les biodégradables.
  • Gardez vos distances avec les troupeaux, surtout en présence de chiens de protection.
  • Et si vous croisez un berger, un petit bonjour : ils partagent volontiers leur métier quand ils le peuvent !
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Par: Sandrine Anselmetti