Publié le : 06 oct. 2025
Dans le Vercors, on compte deux races autochtones emblématiques : le cheval du Vercors de Barraquand et la vache Villard-de-Lans. Cette dernière a bien failli disparaître au siècle dernier, mais elle repeuple peu à peu les troupeaux du plateau.
Une fierté pour les éleveurs, grands artisans de sa sauvegarde, et une chance pour l’agriculture iséroise.
Sur cette prairie du plateau du Vercors, où paissent quelque 60 montbéliardes reconnaissables à leur manteau pie rouge typique, une vache se distingue par : sa robe couleur froment, uniformément blonde… "C’est Sucrerie !" Elle appartient à la race Villard-de-Lans, ou Villarde. "C’est elle qui guide le troupeau, qui mène quand on ouvre le parc. C’est la première à y aller", glisse fièrement Loïc Duchêne, producteur laitier à Autrans-Méaudre en Vercors. L’éleveur est un enfant du pays qui s’est pris de passion pour cette race locale, très polyvalente.
Autrefois la Villarde fournissait du lait, de la viande et aidait aux travaux agricoles dans les champs. Après la Seconde Guerre mondiale, la mécanisation et la spécialisation des races bovines, laitière ou bouchère, l’ont reléguée au second plan. Alors qu’il en restait moins d’une centaine il y a 50 ans, on en recense plus de 400 aujourd’hui sur le territoire.
Quelques éleveurs engagés ont réussi à préserver la Villarde, puis à assurer sa relance, notamment en l’inscrivant dans la liste des races aptes à la production du fromage portant l’Appellation d’origine protégée (AOP) Bleu du Vercors-Sassenage. Elle produit moins de lait qu’une vache laitière, mais il est plus riche en matières grasses, ce qui est idéal pour le fromage !
"Depuis 2001, le cahier des charges du Bleu du Vercors-Sassenage impose aux exploitations productrices d’avoir 3 % de ces vaches dans leur troupeau", explique Loïc, qui produit 300 000 litres de lait par an, dont les deux tiers servent justement à la confection du fameux "bleu".
Le jeune exploitant a repris récemment la présidence de Vercors Lait, coopérative qui existe depuis plus de 60 ans. 34 producteurs laitiers du massif isérois y sont unis pour préserver leur métier, leur savoir-faire et valoriser la tradition fromagère locale. Au sein de la coopérative, 6 millions de litres de lait de vaches sont collectés chaque année, une grande partie sert à produire le Bleu du Vercors-Sassenage AOP. Ainsi les Villardes sont-elles de nos jours forcément représentées dans leurs cheptels. "Dans notre cœur, c’est quelque chose qui nous fait vibrer, il y a un attachement", acquiesce l’éleveur.
Reportage vidéo
Faire perdurer un patrimoine génétique précieux
Guy Durand fait partie de ce noyau d’éleveurs qui a participé activement à la sauvegarde de la Villarde. Natif d’Engins, sur le versant ouest du Vercors, il en élève plusieurs dizaines, depuis 2006, pour leur viande, sur son exploitation d’Autrans-Méaudre en Vercors et en alpage, dès la fonte des neiges.
"On est en train de réinstaller la race, mais c’est un long travail", reconnaît-il. Depuis les années 90, il élève aussi des chevaux du Vercors de Barraquand, longtemps considérés en danger critique d’extinction. Cette race chevaline montagnarde, résultant d'une très ancienne sélection dans le massif du Vercors, est aujourd’hui en reconstitution. La fédération Div’Agri, que l’éleveur préside, mène un précieux travail d’aide et d’accompagnement des agriculteurs et autres acteurs participant au maintien des espèces et des races anciennes autochtones.
En plus de faire la fierté d’un territoire, elles détiennent des atouts pour améliorer la résilience et l’autonomie des systèmes d’exploitation. "Ce sont des races à part, elles font partie du patrimoine. Rustiques, parfois plus résistantes à certaines maladies, elles pourraient aussi être utiles pour l’élevage français, mesure Guy Durand. Sur la Villard-de-Lans, on ne craint absolument pas la consanguinité, par exemple. Un jour, les races très répandues auront peut-être besoin de certains de ses gènes."
Le Département soutient les races locales
À travers sa politique agricole, le Département de l’Isère soutient la valorisation des produits isérois sous signe de qualité que sont l’AOC Noix de Grenoble, l’IGP Saint-Marcellin et l’AOP Bleu du Vercors-Sassenage, dont le cahier des charges rend indispensable la présence de vaches Villardes au sein des troupeaux des exploitations productrices.
Il a aidé la Coopérative Vercors Lait pour acquérir des équipements et matériels de production du Bleu et de ses autres spécialités fromagères (Vercorette, Tome de la Bourne…).
Le Département accompagne également le Syndicat interprofessionnel du Bleu du Vercors-Sassenage (SIVER) pour mettre en œuvre son programme d’actions, ainsi que les associations comme Villarde Avenir, pour la relance et la réhabilitation de la race bovine Villard-de-Lans, et l’Association nationale Cheval du Vercors de Barraquand, qui encourage et soutient les éleveurs et utilisateurs de la race équine, autre race emblématique du territoire.