Un fidèle berger veille sur le plus grand alpage de France

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© Nacho Grez

Publié le : 13 oct. 2025

Le plus grand alpage de France se trouve sur les hauteurs du Sénépy, qui sépare la Matheysine du Trièves. Sylvain Turc prend soin de 750 vaches l'été. La fréquentation des alpages a évolué avec la pratique du sport outdoor. Comment cohabiter ?

La prise en compte de ces nouveaux usages est essentielle pour préserver le pastoralisme et la richesse écologique de ces espaces. La brume matinale s’accroche encore aux sommets environnants quand Sylvain Turc commence à sillonner l’alpage qui coiffe le Sénépy, à plus de 1 700 mètres d’altitude, entre Trièves et Matheysine.

Comme chaque matin depuis 33 ans, de mai à octobre, le berger fait le tour des 750 vaches qui lui ont été confiées par une trentaine d’exploitations agricoles locales. "Ça a l’air un peu mystique, la montagne, avec cette ambiance", s’amuse-t-il. Cette tournée d’inspection, pour contrôler l’état de santé des différents troupeaux disséminés sur cet immense alpage, le plus grand de France, fait partie de ses missions, au même titre que de monter les bêtes en altitude, puis de veiller à leur bien-être durant quatre mois et demi, jusqu’à leur redescente en vallées. C’est ici, en estive, qu’elles peuvent bénéficier de températures plus clémentes l’été, et surtout d’une herbe abondante et d’une grande valeur nutritive.

Entre deux saisons d’estive, la mission de Sylvain continue : il est chargé d’installer des petits aménagements pour améliorer la gestion de l’alpage, par exemple pour assurer la sécurité des animaux et aussi des humains. "J’ai installé ce type de tourniquets-là, comme dans les magasins. On facilite l’entrée et la sortie des parcs aux randonneurs, constate le berger, pointant une clôture au bord de la prairie. Et les vaches, elles, ne passent pas…"

Un réservoir de biodiversité à préserver

Ces dernières années, les sites naturels isérois enregistrent une augmentation constante de leur fréquentation. Le Sénépy offre un panorama remarquable et plusieurs sentiers vers la basse vallée du Drac, les lacs du Monteynard et du Sautet... Aussi son alpage est-il prisé des randonneurs, des vététistes et des passionnés de trail, tout en étant un lieu de vie et d’activités professionnelles pour les éleveurs et les bergers. "Assurer la conciliation des usages au sein de ces espaces est nécessaire, explique Zélia Liennard, chargée de projets sur les sports outdoor au Département de l’Isère. En matière de trail, nous avons rassemblé les plus importants organisateurs du territoire pour parler de ce besoin de cohabitation, et faire en sorte de communiquer auprès des pratiquants, pendant et autour des courses. Le but est de transmettre les bonnes pratiques. En alpage, refermer la barrière et contourner le troupeau qui pâture, en font partie." 

Que le promeneur sache comment laisser intact l’environnement qu’il traverse est un autre objectif de cette communication. Car les herbages de montagne, dont la diversité floristique est entretenue par l’activité d’élevage, sont des écosystèmes à l’équilibre sensible. Ils constituent un premier maillon de la chaîne alimentaire en offrant gîte et couvert à une multitude d’espèces, dont des pollinisateurs.


Événement sportif emblématique du territoire, le Trail des passerelles du Monteynard emprunte justement l’alpage du Sénépy. Ses organisateurs ont pris le parti d’en concevoir le tracé avec Sylvain Turc, le berger des lieux. "Cette concertation est très précieuse, témoigne-t-il. Ça prend du temps, mais les choses se passent bien au final, pour tous. Car, dès le départ, les conditions propices au respect des troupeaux, de notre travail et de tout le milieu, ont été créées."

Profite, Partage, Respecte…

Marcher ou courir en dehors des sentiers balisés, laisser une peau de banane après un pique-nique, donner à manger aux animaux sauvages... sont des comportements qui peuvent sembler anodins. Pour autant, ils ne sont pas sans conséquences pour la nature et la biodiversité. Le Département de l’Isère, en partenariat avec l’agence Isère Attractivité et l'ensemble des acteurs touristiques, sportifs et environnementaux de l'Isère, a relancé cette année la campagne de communication estivale "Profite, partage, respecte". 

Elle vise à sensibiliser les Isérois à profiter de la nature sans laisser de trace, à partager les sentiers avec les autres et à respecter la faune et la flore dans leur milieu naturel. Tout au long de l’été, la campagne, qui s’est déroulée notamment sur les réseaux sociaux, a mis en lumière sept grandes thématiques au cœur des enjeux de la préservation et des usages : l'eau, l'alpage, la forêt, la faune, la flore, les sentiers et les espaces naturels sensibles. En participant à cette démarche, chacun contribue à la préservation des paysages exceptionnels de l’Isère, qui sont des lieux de vie et d’activités professionnelles, notamment agricoles.