La Matheysine : authentique et discrète

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Le lac de Laffrey, paradis des amateurs de sport nautique, est aussi l’ancien lieu de villégiature de compositeur Olivier Messiaen. À proximité de sa maison de Saint-Théoffrey, un belvédère offre un splendide panorama sur cette vaste étendue d’eau.
Le lac de Laffrey, paradis des amateurs de sport nautique, est aussi l’ancien lieu de villégiature de compositeur Olivier Messiaen. À proximité de sa maison de Saint-Théoffrey, un belvédère offre un splendide panorama sur cette vaste étendue d’eau. © Laurent

Son nom vient de matacena et signifie en latin territoire humide. Dans le sud de l’Isère, la Matheysine étale ses lacs et rivières dans un paysage de carte postale qui nous plonge dans l’Histoire de France, entre pépites naturelles et patrimoniales.

"Soldats, je suis votre Empereur, ne me reconnaissez-vous pas ? S’il en est un parmi vous qui veuille tuer son général, me voilà !” C’est par ces propos, prononcés en offrant son cœur aux fusils, que Napoléon fait basculer l’histoire le 7 mars 1815. Le lieu : un alpage, aujourd’hui connu sous le nom de prairie de la Rencontre, situé à Laffrey, aux abords de la départementale 1085, sur l’itinéraire emprunté par l’Empereur lorsqu’il s’enfuit de l’île d’Elbe pour rejoindre Paris. Reliant Corps à Laffrey, en passant par La Mure, cette route, baptisée Route Napoléon, est l’axe principal de la Matheysine, un vaste territoire composé de 43 communes réparties sur 70 000 hectares.

Entre terre et eau…

De Grenoble, on y accède par la rampe de Laffrey, une route à fort dénivelé qui, après avoir longé la prairie de la Rencontre, poursuit paisiblement son chemin aux abords des lacs de Laffrey, de Petichet et de Pierre-Châtel et du lac Mort, d’origine glaciaire, semblant être éternellement protégés par les montagnes qui veillent au-dessus d’eux. 

À l’est se profile le massif de l’Oisans avec les sommets du Tabor et ceux du Grand-Serre, où se trouve l’une des plus anciennes stations de ski du Dauphiné, haut lieu de pastoralisme l’été. Hormis ces reliefs, le territoire est traversé du nord au sud par la montagne du Connex sur laquelle se niche l’une des Sept Merveilles du Dauphiné : la Pierre percée, voûte naturelle en calcaire. De là, une vue imprenable s’ouvre sur le Vercors, la Matheysine et les lacs au-dessous. 

À l’ouest, le Drac a tracé son sillage jusqu’au lac de Monteynard, un spot de kitesurf et de planche à voile au-dessus duquel deux passerelles himalayennes offrent une expérience pédestre inoubliable. Enfin, plus au sud et au pied du massif de l’Obiou se situe le lac du Sautet. Près de Corps, ce plan d’eau est alimenté par les sources des Gillardes, deuxième exsurgence de France après la fontaine de Vaucluse : un véritable mystère géologique ! 

Un patrimoine religieux et industriel

Outre sa nature sauvage et authentique, le territoire reste marqué par l’exploitation des mines d’anthracite qui ont assuré son essor économique jusqu’en 1997. Vestige de cette épopée, La Mine Image, à La Motte-d’Aveillans, vous invite à vous mettre dans la peau des « gueules noires ». 

Également à découvrir, le Petit Train de La Mure qui a permis pendant plus d’un siècle d’acheminer le charbon vers Grenoble avant d’être reconverti en train touristique. Le patrimoine historique et religieux est aussi remarquable. Outre l’église-Saint-Jean-Baptiste de Mayres, seule construction inscrite aux Monuments historiques, un arrêt s’impose à la halle de La Mure, à la chapelle Sainte-Anne de Valjouffrey et à l’église Saint-Pierre d’Oris-en-Rattier. 

À Corps, village médiéval situé à la frontière des Hautes-Alpes, subsiste la maison où a dormi Napoléon dans la nuit du 6 au 7 mars 1815. En se promenant dans ses ruelles bordées d’anciennes échoppes, on peut imaginer l’activité commerciale qui battait son plein. Non loin de là, sur les hauteurs de la commune de La Salette-Fallavaux, à 1 800 mètres d’altitude, se dresse le sanctuaire de la Salette, construit en 1852 en hommage à la Vierge qui serait apparue un an plus tôt à deux enfants.

Riche d’une nature généreuse et empreinte de fortes valeurs, la Matheysine perpétue aussi des savoir-faire ancestraux et traditionnels. Du fameux murçon, saucisson à cuire, jusqu’aux produits fermiers issus de l’agriculture biologique, fromages, charcuterie… les artisans du plateau nous conduisent dans une véritable escapade gourmande.

Le Musée matheysin

Installé au cœur de La Mure, le Musée matheysin présente une riche collection d’objets, dont certains remontent à la préhistoire. Au fil de la visite, on apprend aussi comment la cité, alors protestante, traversa les guerres de Religion. À travers outils et maquettes, on entre dans la vie des Matheysins et de leurs métiers : mineur, paysan, gantier, colporteur...

Une partie est également consacrée aux œuvres d’artistes locaux, comme Claude Garanjoud. Une salle est enfin dédiée au musicien Olivier Messiaen qui a résidé à Laffrey pendant une cinquantaine d’années. Jusqu’en septembre 2026, le musée consacre son exposition à cette grande épopée historique. 

Un territoire diversifié

Après des décennies sous le régime de la mono-industrie minière, la Matheysine s’est orientée vers une économie de pointe et diversifiée. 

Ainsi à La Mure, de nombreuses entreprises innovantes se sont implantées comme Gorgy Time qui règle l’heure à la seconde pour les gares, les aéroports et les sous-marins ; ou Mersen, expert mondial des matériaux avancés pour les industries high-tech. D’autres fleurons contribuent à son dynamisme, tels Inovalp, concepteur de poêles à granulés bois (à Saint-Honoré), Naturamole (à Susville), producteur de molécules naturelles aromatiques pour la filière cosmétique, Date (à La Motte-d’Aveillans), spécialisée dans le matériel thermique et thermodynamique, ou encore Rosi Alpes (à Saint-Honoré) qui propose des solutions pour recycler les matières premières de l’industrie photovoltaïque. 

Le territoire compte aussi un grand nombre d’exploitations agricoles et artisanales, tel Motte Viandes, à La Mure, une charcuterie qui fabrique notamment rissoles et murçons selon des recettes qui se transmettent depuis des générations.

Photographie

Où se balader ?

Au départ de La Salle-en-Beaumont ou de Saint-Laurent-en-Beaumont, un sentier longe un canal d’irrigation qui a été construit entre 1873 et 1876 pour arroser les terres agricoles du Beaumont. D’une longueur de 32 km, il capte les eaux de la Bonne dans la vallée de Valjouffrey et est toujours en activité. Cette balade, rafraîchissante, est facile d’accès, à pied comme en VTT. Elle allie sortie en pleine nature et découverte de ce joyau du patrimoine. Tout au long du chemin, de nombreux points de vue donnent sur la vallée en contrebas et sur le massif de l’Obiou. Des panneaux pédagogiques permettent de découvrir l’histoire de ce canal et comment il fonctionne encore aujourd’hui.  

La Matheysine et le Département

Frédérique Puissat, sénatrice de l’Isère, et Fabien Mulyk, maire de Corps, sont les deux conseillers départementaux du canton de la Matheysine-Trièves. Parmi les principaux projets portés par le Département figurent la construction d’une école primaire avec un restaurant scolaire et une salle d’activité à Saint-Théoffrey, la réfection du cinéma-théâtre et la remise en état du boulevard Paul-Décard à La Mure ainsi que l’aménagement de la place de la mairie à La Motte-d’Aveillans. 

Côté routes, le Département a participé à la sécurisation de la traversée des Blais sur la commune de Monteynard et de l’entrée sud de Pierre-Châtel. Par ailleurs, depuis le 1er janvier 2024, l’ex-route nationale 85, qui relie Laffrey à Corps, a été intégrée au réseau départemental (RD1085) bénéficiant ainsi du même niveau d’entretien que les autres routes du Département.

Figures d'ici

Photographie de Kevin Mangione, cuisinier
© A.Berlioz

Kevin Mangione

Formé dans plusieurs restaurants étoilés, ce chef de 31 ans, originaire de Grenoble, s’est installé à Saint-Théoffrey, où il a ouvert en juillet 2024 la Maltacina : premier restaurant gastronomique du plateau matheysin. Sa carte est composée à 90 % de produits bio et locaux qu’il travaille avec beaucoup d’originalité.

Photographie de Julie Triché, éducatrice sportive
© A.Berlioz

Julie Triché

Éducatrice sportive certifiée « sport santé », elle encadre tous les jeudis matin des sorties de marche douce destinées aux personnes souhaitant pratiquer une activité physique après des problèmes de santé. Parmi ses terrains de jeux préférés, le Sénépi, le plus grand alpage bovin d’Europe, mais aussi une très belle randonnée accessible à tous.

© A.Berlioz

Julie Quadri et Benoît Reynier-Poete

En 2023, ils ont repris le gîte de la Peyrouse, créé par les parents de Benoît. Situé à Saint-Jean-de-Vaux, cet hébergement de six chambres et 15 couchages permet de vivre une expérience inoubliable au pied du Connex et à proximité des lacs de Laffrey. Benoît et Julie proposent aussi des planches apéro concoctées par leurs soins. 

Par: Annick Berlioz